La Justice des Animaux Claude-Joseph Dorat (1734 - 1780)

Lassés des discordes publiques,
Les Animaux, d'un plein consentement,
Parlerent d'accommodement ;
Mais, pour juger les troubles domestiques,
On établit un Parlement.
Vû sa finesse, sa prudence
Et l'art de l'élocution,
Le Serpent, comme de raison,
Fut pourvu de la Présidence.
A la dignité d'Assesseurs
On crut devoir élever les Marmotes,
Ronflant en bonnes Patriotes ;
Car, naturellement, les Juges sont dormeurs.
Quant aux détails de la Chancellerie,
A la Tortue ils sont tous confiés ;
On sait qu'en sa marche étourdie,
Elle fait feu des quatre piés.
Bref, sur leur dos emportant leur tribune,
Les Escargots tenaient lieu d'Avocats,
Et déployaient, dans tous les cas,
Une éloquence peu commune.
On les accusait d'être lents,
Et d'éterniser les affaires ;
Pour acquérir plus de lumières,
Ils demandaient fort bien des sursis de cent ans.
La Cour, d'ailleurs, fut juste et Thémis bien servie.
D'un pareil Tribunal nul client n'appellait.
Avant qu'on lâchât un arrêt,
La mort, sans autre plaidoirie,
Provisoirement emportait
L'Avocat, l'Assesseur, le Juge et la Partie.

Livre II, fable 4




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