Le Voyageur et le Chien

Nicolas de Chabanon (1730 - 1792)


Le gout, de convenance et d’intérêt unis,
Des voyageurs couraient ensemble le pays.
De la troupe l’un se sépare :
Au détour du chemin, il se trompe, il s’égare,
On l’attend, il ne revient pas ;
Et voilà tous nos gens restés dans l’embarras.
« Par ici, disait l’un ; non, par là, disait l’autre.
Quelle est votre raison ? — Et vous, quelle est la vôtre ?
— C’est que ce détour-ci l’aura mis en défaut.
— Point du tout ; croyez-moi, l’erreur vient de plus haut. »
Ainsi de mais en mais de peut-être en peut-être,
Ils y seraient encore : un chien résout le cas,
Et sans errer d’un pas,
Par le plus court chemin il va trouver son maître.
Ô lumière du sentiment,
Que tu nous guides sûrement !
La raison par état flotte, hésite et balance !
Le doute sied à la prudence :
C’est son naturel attribut.
Le sentiment, plus prompt, ose tout entreprendre ;
Il court ; il vole, il touche au but,
Quand l’autre cherche encor le chemin qu’il faut prendre.





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