Jadis, le Plaisir et la Peine
Vinrent au tribunal du souverain des Dieux
Se faire l'un à l'autre un grief odieux
Des malheurs de l'espèce humaine.
Le procès était grave ; et l'art des avocats,
Et le talent du commentaire,
Toujours propice aux altercas,
Avaient si bien brouillé le cas,
Que le grand Jupiter eut beau dire et beau faire :
Il voulait finir cette guerre ;
Le dieu mit tout en œuvre, et n'y réussit pas.
On aime à plaider sur la terre ;
Mais c'est au ciel encore un bien plus grand fracas.
Après de longues audiences
Et d'interminables séances,
Ne pouvant procurer un accommodement,
Jupiter, par appointement,
Voulut que désormais le Plaisir et la Peine
Restassent l'un à l'autre attachés constamment.
Ils furent mariés, en dépit de leur haine,
Et se tinrent par une chaîne
Que Vulcain fabriqua du plus dur diamant.
Cette chaîne secrète à rompre est impossible :
Ainsi de la douleur et de la volupté
L'alliance incompréhensible
Dure éternellement, contre leur volonté.
Toujours unis entre eux et toujours adversaires,
Leur discorde, à la fois, et leur société
Sont également nécessaires.
De là vient qu'ici bas et le bien et le mal
Se combattent toujours et se suivent sans cesse.

Quiconque est pénétré de ce point capital st
Profite mieux des jours que la Parque lui laisse.
Aussitôt qu'on a pu saisir ens fanten d
Le mystère de cette chaîne,
On s'afflige moins de la peine,
On abuse moins du plaisir.

Livre I, fable 2




Commentaires