Le Potier et le Roi Pantchatantra

Dans une ville habitait un potier nommé Youdhichthira. Un jour qu’il était ivre, cet homme, en courant très-vite, tomba sur le bord tranchant d’un tesson d’un pot brisé en deux. Alors, le front fendu par le tranchant du tesson et le corps inondé de sang, il se releva avec peine et alla à sa demeure. Puis, par suite du manque de soins convenables, sa blessure devint hideuse et guérit difficilement. Or un jour, comme le pays souffrait de la famine, ce potier, dont le gosier était amaigri par la faim, alla avec quelques serviteurs du roi en pays étranger, et entra au service d’un roi. Ce roi, lorsqu’il vit sur le front de Youdhichthira une affreuse blessure, pensa : C’est quelque homme brave ; c’est sûrement pour cela qu’il a une blessure par devant sur le front.

En conséquence, le roi le combla de marques d’honneur, de présents, et cetera, et le regarda avec une faveur particulière devant tous les guerriers. Ceux-ci, quand ils virent la faveur excessive dont il était l’objet, bien qu’ils en eussent la plus grande jalousie, ne dirent rien, par crainte du roi. Mais un jour qu’avait lieu une revue des soldats de ce prince, qu’une guerre était imminente, que les éléphants étaient apprêtés, les chevaux harnachés, et les guerriers rassemblés, le roi interrogea le potier en secret, conformément à la circonstance : Hé, guerrier ! quel est ton nom et quelle est ta race ? Dans quelle bataille as-tu reçu cette blessure au front ? — Majesté, répondit le potier, ce n’est pas un coup d’une arme.

Je me nomme Youdhichthira, et je suis potier de naissance. Dans ma maison il y avait beaucoup de tessons. Or un jour je sortis après avoir bu des liqueurs spiritueuses, et en courant je tombai sur un tesson ; puis je fus défiguré par cette blessure au front, qui est devenue si affreuse. Lorsque le roi eut entendu cela, il fut honteux, et dit : Ah ! j’ai été trompé par ce potier, qui imite le guerrier. Qu’on l’empoigne donc sur-le-champ ! Après que cela se fut passé, le potier dit : Majesté, ne faites pas ainsi ! Voyez la légèreté de ma main dans le combat ! — Hé ! dit le roi, tu possèdes toutes les qualités ; néanmoins va-t-en.

Et l’on dit : Tu es brave, tu es savant, lu es beau, mon fils ; dans la race dont tu es né on ne tue pas un éléphant.

Livre IV, 4




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