Celui qui, pour couvrir sa faute, ose ajouter
Le mensonge au méfait, fût-elle très légère,
Sur le moindre pardon ne doit jamais compter ;
Mais celui qui témoigne un repentir sincère
Peut espérer grâce plénière,
L'exemple suivant en fait foi.
Aussi clément que juste, un roi
Parcourait ses États, afin de mieux connaître
De ses nombreux sujets les besoins, le bien-être,
En un mot, pour remplir au mieux son noble emploi.
Un jour qu'il visitait un grand port maritime,
Où, le front tout empreint des stigmates du crime,
Traînant aux pieds de lourds boulets,
De livides forçats expiaient leurs forfaits,
À notre prince il prend envie
De les interroger sur leur coupable vie.
Le premier à l'œil cave, aux regards menaçants,
Répond que des témoins non moins faux que méchants,
Poussés par le désir d'une froide vengeance,
Le firent condamner malgré son innocence.
Un autre prétendit qu'une fatalité
Qui depuis fort longtemps le poursuit et l'accable,
Fit douter de sa probité
Et le fit passer pour coupable.
Bref, de la calomnie ou de l'humaine erreur,
A son dire, chacun, malheureuse victime,
Subissait bien à tort le châtiment du crime.
Cependant à l'écart notre interrogateur
Voit un jeune forçat qui, la tête baissée,
Semblait par le remords avoir l'âme brisée.
Il lui demande et veut savoir
La cause de son désespoir.,
— J'ai commis un grand crime, Sire,
Je mérite mon sort, répondit ce dernier,
Ne cherchant point à pallier
De sa jeune raison le criminel délire.
— Qu'on expulse, reprit le prince, eu affectant
Un air furieux, mécontent,
Qu'on chasse sur-le-champ, ce gueux, ce misérable,
C'est chose, ajouta-t-il, tout-à-fait incroyable,
Il faut avoir perdu l'esprit et le bon sens
Pour avoir pu confondre un aussi grand coupable
Avec tous ces honnêtes gens.