Le Chien de chasse Pierre Didot (1761 - 1853)

Un chien d’une excellente race,
Nommé Fidèle, et méritant ce nom,
Rapportait seul à la maison
Perdrix, faisan, lapin, bécasse,
Bref toute espèce de gibier.
Il savait si bien son métier
Que le plus fameux braconnier
A son école eût pu venir apprendre.
Tous les jours du logis il sortait le matin :
L’animal pris il l’emportait soudain,
Et le maître à son croc n’avait plus qu’à le pendre.
Un jour il rencontre en chemin
Un lévrier chassant en contrebande
A son profit, pour se désennuyer ;
Au risque de payer l’amende,
Comme la paie un lévrier.
Notre chien le voit et l’évite.
– Camarade ! où vas-tu si vite ?
Où cours-tu porter ce faisan ?
A mon maître, répond Fidèle :
Chaque jour je lui fais un semblable présent ;
Il me donne les os de la cuisse ou de l’aile ;
Je n’ai pas à me plaindre enfin. – Pauvre cervelle !
Tu lui sers de filets, de pièges, de réseaux
Il a, grâce à tes soins, provision certaine :
Et c’est avec quelques os
Qu’il compte payer ta peine !
Va, crois-moi, ne sois pas si sot ;
Songe à te faire un meilleur lot ;
Mange aujourd’hui le produit de ta chasse.
– Jusqu’ici je n’ai point encouru sa disgrâce ;
Je la mériterais : non, je n’en ferai rien,
– Soit : garde ton faisan ; mais goûte au moins du nôtre.
Fidèle l’accepta : bientôt, après le sien,
De son consentement prit la place de l’autre.

Rien de pire que le danger
D’une mauvaise connaissance ;
C’est là le piège où l’innocence
Tombe souvent sans y songer.

Fable 6




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