D'UN cou long et mouvant variant les replis
Un cygne en un canal d'une eau claire et limpide
Se jouait avec ses petits.
Tantôt d'une course rapide
Il fendait l'onde ; et les zéphyrs
De leurs haleines confondues
Enflaient au gré de ses désirs
Ses ailes en voiles tendues,
Qui se déployaient au soleil
Dans le plus superbe appareil :
Tantôt, retournant en arrière,
Portant une tête altière,
Et le cou droit en colonne élevé,
De ses petits trop lents il blâmait la paresse,
Et donnant d'un coup-d'œil le prix à la vitesse,
Félicitait le premier arrivé.
Avec tant d'agréments, pouvait-il se défendre
D'un mouvement de vanité ?
Ce sont les droits de la beauté :
Aces droits sans raison beaucoup osent prétendre.
Mais parlons bas ; si j'étais écouté !...
Notre cygne dans l'eau contemplait son image ;
Et sans cesse avec soin ajustant son plumage,
Il admirait son éclat argenté.
Un jour à ses petits il dit avec mystère :
Mes enfants, vous ne savez pas
Que sur les bords de l'Eurotas
Le puissant maître du tonnerre,
Trouvant à ses vœux contraire
Certain objet qu'il aima,
En cygne se transforma,
Et qu'il dut à notre plumage,
Au séduisant éclat d'un tel déguisement,
De jouir des droits de l'amant.
Vous n'en saurez pas davantage.
Ah! lui dit un de ses petits,
L'autre jour, je fus bien surpris,
Sans peine vous pourrez le croire :
Je vais vous conter mon histoire.
Plusieurs oiseaux ensemble babillaient :
J'approchai, moi, pour mieux entendre ;
Et je pus clairement comprendre
Que de votre démarche ensemble ils se raillaient :
Nous vous suivions pour lors dans la prairie.
Ils n'en parlent que par envie,
Répondit le cygne. Ah ! vraiment
Ils passeraient toute leur vie
Sans pouvair imiter ce doux balancement.
Et le poète
Et la coquette
Doivent se reconnaître ici ;
Ils y sont peints en raccourci.
Certain défaut en leur semblable
Leur paraîtrait justement
Ridicule, insupportable ;
Mais en eux c'est un agrément.