Le Cygne et ses Petits Pierre Didot (1761 - 1853)

D'UN cou long et mouvant variant les replis
Un cygne en un canal d'une eau claire et limpide
Se jouait avec ses petits.
Tantôt d'une course rapide
Il fendait l'onde ; et les zéphyrs
De leurs haleines confondues
Enflaient au gré de ses désirs
Ses ailes en voiles tendues,
Qui se déployaient au soleil
Dans le plus superbe appareil :
Tantôt, retournant en arrière,
Portant une tête altière,
Et le cou droit en colonne élevé,
De ses petits trop lents il blâmait la paresse,
Et donnant d'un coup-d'œil le prix à la vitesse,
Félicitait le premier arrivé.
Avec tant d'agréments, pouvait-il se défendre
D'un mouvement de vanité ?
Ce sont les droits de la beauté :
Aces droits sans raison beaucoup osent prétendre.
Mais parlons bas ; si j'étais écouté !...
Notre cygne dans l'eau contemplait son image ;
Et sans cesse avec soin ajustant son plumage,
Il admirait son éclat argenté.
Un jour à ses petits il dit avec mystère :
Mes enfants, vous ne savez pas
Que sur les bords de l'Eurotas
Le puissant maître du tonnerre,
Trouvant à ses vœux contraire
Certain objet qu'il aima,
En cygne se transforma,
Et qu'il dut à notre plumage,
Au séduisant éclat d'un tel déguisement,
De jouir des droits de l'amant.
Vous n'en saurez pas davantage.
Ah ! lui dit un de ses petits,
L'autre jour, je fus bien surpris,
Sans peine vous pourrez le croire :
Je vais vous conter mon histoire.
Plusieurs oiseaux ensemble babillaient :
J'approchai, moi, pour mieux entendre ;
Et je pus clairement comprendre
Que de votre démarche ensemble ils se raillaient :
Nous vous suivions pour lors dans la prairie.
Ils n'en parlent que par envie,
Répondit le cygne. Ah ! vraiment
Ils passeraient toute leur vie
Sans pouvair imiter ce doux balancement.

Et le poète
Et la coquette
Doivent se reconnaître ici ;
Ils y sont peints en raccourci.
Certain défaut en leur semblable
Leur paraîtrait justement
Ridicule, insupportable ;
Mais en eux c'est un agrément.

Fable 7




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