Une poule que son grand âge
Privait de l'usage
Des yeux,
Laborieuse encor marchait grattant la terre,
Comme au temps où sa vue active, avant-courrière,
Loin d'elle découvrait un butin précieux.
Quoiqu'elle explorât de son mieux
Le sol où la guidait un instinct de nature,
Son bec ne récoltait aucun grain pour pâture,
Nul vermisseau, quelque petit qu'il fût,
A son rude labeur, ne s'offrait en tribut.
Une jeune poulette et des plus délicates,
D'un instant ne la quittait pas ;
A l'insu de l'aveugle accompagnait ses pas,
Et sans endommager de ses charmantes pattes
La peau, dont tous les coqs lui vantaient la beauté,
S'engraissait à manger insectes et grenailles
En s'appropriant les trouvailles
De celle, dont les yeux frappés de cécité
Garantissaient l'impunité
Des larcins journaliers dont elle était coupable.
D'ordinaire, chose semblable,
Arrive dans le monde. On y voit trop souvent
Un oisif effronté, dénué de talent,
Vivre aux dépens de l'homme intelligent,
Laborieux, modeste, misérable,
Qui vit obscur et qui meurt indigent.