Le Cheval de bataille Pierre–Joseph Charrin (1784 - 1863)

Équipé richement pour aller à la guerre,
Un Cheval de bataille et des plus courageux,
Quittant la garnison, pensa qu'il devait faire
Solennellement ses adieux
Aux Rosses qui restaient pour traîner la charrue.

Une invitation bien faite, bien reçue,
Décide que le soir on aura grand festin
Dans une superbe écurie,
Où l'on apportera chacun son picotin.

L'heure sonne, la compagnie
Se montre exacte au rendez-vous ;
On mange vite et l'on boit coups sur coups ;
Mais, sitôt la fin de l'orgie
L'explosion des sentiments
Et de plaintifs hennissements
Terminent la cérémonie.

« Eh quoi ! dit le coursier, vous tremblez pour ma vie !
Mon départ vous afflige ; amis, vous avez tort :
Je ne changerais pas mon sort
Contre celui qu'on vous prépare
Sous le chaume des bonnes gens
Que vous aidez à cultiver leurs champs.

C'est au bruit du canon, au son de la fanfare,
Dans le tumulte des combats
Qu'on trouve un illustre trépas.
L'intrépide héros qui survit à sa gloire,
Ceint des palmes de la victoire,
Revient avec orgueil en parer ses foyers.
Enfin, mort ou vivant le pays vous honore
Et redit vos exploits guerriers.

Votre existence, amis, en tous lieux on l'ignore ;
Un labeur obscur la dévore :
L'instant qui n'est pas loin viendra
Où la vieillesse arrivera.
Alors une inutile vie,
Qu'un maître vous reprochera,
Ira
S'éteindre à la voirie.

Comme vous, sur la terre on voit beaucoup de gens
Pour leur honneur demeurer trop longtemps. »





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