Chez certain fameux maquignon,
Un jeune cheval vit que son vieux compagnon
Portait superbe selle avec bride dorée.
Pourquoi n'aurais-je pas la tête ainsi parée ?
Lui dit-il ; et sais-tu, réponds de bonne foi,
Le jour où je dois être équipé comme toi ?
Trop tôt, répondit son confrère,
Tu verras combler tes désirs ;
Mais tu n'auras que souffrance et misère,
Où tu ne vois aujourd'hui que plaisirs.
Bride d'or n'est jamais légère.
En effet, aussitôt qu'il eut fini ces mots,
On arrive au cadet ; on le selle, on le bride,
Et déjà maquignon enfourché sur son dos,
Bon gré, mal gré, le mène, et le tient, et le guide.
Dès lors, quand il fallut qu'il rongeât rude mors,
Par sangle et cavalier qu'il se sentît étreindre,
Le bidet de ses voeux éprouva des remords ;
Même toute la nuit il ne fit que se plaindre ;
Ce qui fit dire au vieux : Souffre, tu le voulus :
Le mal fait, les regrets deviennent superflus.