Un père, bon et sage,
Pour former l'esprit de son fils,
Lui fit faire un voyage,
Et lui donna, suivant l'usage,
Un paternel avis.

Il lui montre une boîte,
Dont l'ouverture étroite
Laisse à l'adolescent,
Saisi d'étonnement,
Voir une ville
D'une rare beauté,
Bâtie au sein d'une île.
Un champ fertile
Entoure la cité ;
L'océan agité
De la tempête
La menace à l'entour.
Mais un beau jour
Au ciel s'apprête
Un soleil radieux,
Qui suit l'aurore,
De ses rayons colore
Mille objets précieux
Que rassemblent ces lieux.
Il voit encore,
Sur les pas du Hasard,
La riante Fortune
Sur les humains
Étendre ses deux mains ;
Laisse à l'adolescent,
Saisi d'étonnement,
Voir une ville
D'une rare beauté,
Bâtie au sein d'une île.
Un champ fertile
Entoure la cité ;
L'océan agité
De la tempête
La menace à l'entour.
Mais un beau jour
Au ciel s'apprête
Un soleil radieux,
Qui suit l'aurore,
De ses rayons colore
Mille objets précieux
Que rassemblent ces lieux.
Il voit encore,
Sur les pas du Hasard,
La riante Fortune
Sur les humains
Étendre ses deux mains ;
Donnant de l'une
Et reprenant
De l'autre... plus Souvent.
Pourtant l'ensemble
De ce tableau,
Si vrai, si beau,
A ses yeux semble
Un séjour de bonheur.
Plein d'extase, il s'écrie :
« Quelle douceur,
Dans cet Eden, offre la vie ! »

Le père, en souriant,
Ouvre la caisse,
En tire doucement
Une petite pièce
Comme un écu,
Et dit : « Reconnais-tu
Cette peinture ?
— Ce grand pays,
Cette belle nature...
— N'est qu'une miniature.
Tel, mon cher fils,
Est le grand monde !
Pour le sage, en tous lieux,
De vrais "biens il abonde ;
Mais peu nombreux
Y sont les sages !
Les biens n'y sont que des images
Tout est illusion,
Vaine erreur, liction ;
bien n'est ce qu'il nous paraît être
1)il plaisir, quel qu'en soit l'attrait,
N'attends jamais ce qu'il promet.
Quelque grand qu'il puisse paraître
Il est moins dans l'objet
Qu'il n'est dans l'espérance.
Selon l'âge et l'expérience
L'on en hausse ou baisse le prix.

De rien. ne sois surpris,
Et l'imposture
Echouera contre toi.
Emporte ma peinture,
Qu'elle raffermisse ta foi,
Et si tu faiblis, pense à moi,
Pense que le monde est magique,
Enfin, consulte cette optique. »

Livre III, fable 3




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