Un beau serin de Canarie,
Qui dans un superbe château
Charmait sa seigneurie,
Un jour, sur le coteau,
Prenant le frais, vole et fredonne.
Un hibou, dans l'ombre caché,
Tristement sur un tronc perché,
Dit : « Étranger, ton chant m'étonne !
— Mon vieux, je vois fort bien
On'ici tu fais l'ermite ;
Ce que je chante là n'est rien ;
Viens au château, juger de mon mérite.
— Moi ! j'ai fait mes adieux
A tons les messieurs du grand monde
Chez moi, ces ennuyeux
Venaient faire la ronde,
Tant qu'on a festoyé.
N'ayant pas cru leur amitié sincère,
J'ai fermé, devant et derrière,
Et depuis je suis oublié.
— Franchement, je te blâme ;
Se plaire dans l'exil,
C'est être égoïste dans l'âme.
Chacun te paraît vil
Parce qu'il vole où l'on s'amuse.
Celui qui croit qu'on vient pour lui,
Est un sot qui s'abuse ;
On l'abandonne à son ennui.
Quiconque peut se croire assez aimable
Pour vouloir que chacun
A tout le trouve préférable,
N'a pas le sens commun.
Une vanité si blâmable
Ne prouve esprit, ni cœur.
Je sais, sans la douceur
De mon chant, si plein d'harmonie,
Personne ne viendrait
M'adresser une flatterie,
Et chacun y perdrait :
Moi, la louange, ou fausse, ou méritée ;
L'autre, le.charme de ma voix.
Est-ce avec toi, seul, dans les bois,
Qu'on trouve une vie enchantée ?
Ami, que tous apportent leur tribut
Au bien commun que Dieu nous donne ;
Qu'on paye ou de sa bourse, ou bien de sa personne,
Chacun y gagne, et c'est vertu.
Moi, j'aime mieux, mon frère,
Par quelques-uns me voir même abusé,
Que de végéter solitaire,
Comme un avare délaissé,
Et de tous méprisé. »