Une abeille timide et sans expérience
Disait aux fleurs
« Mes soeurs,
Veuillez me dire en conscience
Quelle est celle de vous
Dont le parfum fait le miel le plus doux. »
On vit alors se présenter la rose ;
Dix autres fleurs firent la même chose ;
Toutes enfin, jusqu'à la fleur des champs,
S'avancèrent en même temps.
Survint une épine fleurie
Qui dit à l'abeille : « Ma mie,
Des vallons je fais l'ornement,
Et, quoiqu'avare
D'un parfum rare,
Je te l'offre sincèrement. »
Notre abeille avait le cœur tendre :
Au piège elle se laissa prendre.
L'hypocrite aussitôt la piqua jusqu'au sang !
L'abeille dit en gémissant :
« Quelle douloureuse blessure !
Que t'avais«je donc fait ? — Toi ? dit l'épine, rien ;
Mais le mal plaît à ma nature,
Et je hais ceux qui font le bien. »
L'épine, au moins, avait de la franchise ;
Ce genre de méchants n'est point rare ici-bas ;
Le fainéant ne souffre pas
Qu'on travaille et qu'on s'utilise.
Le chemin du vice est fatal :
On y met le pied par surprise,
Puis on s'y familiarise,
Et l'on fait le mal pour le mal.