Quand on parle tout seul, on a toujours raison,
Tel est le droit des pédants, au collège ;
Et des prédicateurs, dit-on,
Tel est aussi le privilège.
Un d'eux, se vit à la fin contredit,
Bien qu'il prêchât comme un apôtre.
Je vous en veux faire en bref le récit,
Quand j'en devais dire ma patenôtre.
Certain prédicateur et que nous nommerons
Messire Adams, prêchant contre la comédie,
Les bals et contre la manie,
Qu'ont les mamans d'u mener leurs tendrons,
S'écriait : je fais bien qu'une mère indulgente
Va me dire, qu'elle a des filles à pourvoir,
Qu'une marchandise ne tente,
Qu'autant qu'on peut la faire voir.
Abus, abus, mère trop imprudence,
Abus, vous dis-je et ne voyez-vous pas,
Ce qui, chaque jour, se pratique,
Chez ce drapier, chez ce marchand de bas ?
De tous ceux qu'il étale on fait fort peu de cas,
On choisit ceux qu'il garde au fonds de sa boutique.
Rien n'est plus vrai... Vous ricanez. Plait-il ?
Mon argument est péremptoire,
Je ne connais, dans tout cet auditoire,
Aucun homme de loi, tant habile fût-il,
Qui pût, avec tout son grimoire,
Répondre à ce discours subtil.
Un avocat, voyant qu'on le provoque,
Répondit, maître Adams, tout ce beau soliloque
Prouve-t-il qu'il nous faut changer
Nos mœurs et suivre vos caprices ?
Non, certes. Si la scène offre encor quelques vices,
C'est pour nous faire voir de plus près le danger,
Et nous marquer les précipices,
Où l'ignorance aveugle aurait pu nous plonger,
Vous avez donc tort de conclure
Que de nos jeux on doit l'exclure,
Et qu'il faut renfermer filles à la maison ;
Car en suivant votre comparaison,
Les bas qui pendant pour enseignes,
Seront encor plutôt vendus,
Que ceux qui bien pliés, empaquetés, tenus,
Dans le fonds d'un tiroir, y font mangés des teignes.

Livre III, fable 5




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