La Chèvre et le Loup Romain Nicolas du Houllay (début 19è)

Sur la pointe d'un roc avaisinant la nue
Une chèvre broutait.
Un loup à jeun l'ayant par hasard aperçue
D'en bas la convoitait.
Que faites-vous là haut, ma mie ?
Lui criait-il d'une voix radoucie.
Qu'y pensez-vous trouver ? quel mets friand
A pu vous attirer sur cette aride pierre ?
Je connais ces lieux-là. Point de gazon riant,
Point d'herbe tendre ; une mousse grossière,
Encor très-rarement,
Est l'unique verdure
Et l'unique aliment
Qu'y fasse croître la nature.
Voyez-vous là-bas ce taillis ?
L'amant de Flore en a rajeuni le feuillage ;
De thym, de serpolet un odorant tapis
Autour de son enceinte offre un beau pâturage
Arrosé d'un ruisseau
Où vient s'abreuver maint troupeau.
Croyez-moi, descendez de cette roche affreuse,
Et venez habiter auprès de ce bosquet :
Vous y serez heureuse.
Autour de vous sans cesse au guet
Mes confrères et moi, pour eux je vous le jure,
De tout danger, de toute injure
Nous vous garantirons envers et contre tous.
Votre invitation sans doute est bien flatteuse,
Lui dit la chevré, mais je suis peu curieuse
D'essayer du bonheur sous messeigneurs les loups.

Livre V, fable 2




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