Le Paon, le Rossignol et le Voyageur Romain Nicolas du Houllay (début 19è)

Déjà du pavillon de la vermeille aurore
Les heures entr'ouvraient les voiles radieux ;
Et les échos retentissaient encore
Des sons mélodieux
De la plaintive Philomèle.
Sur un vieux chêne, non loin d'elle
Un paon avec orgueil déployait dans les airs
Le vif éclat des diamants divers
Dont la nature a paré son plumage.
Avec pompe étalant sa queue au jour naissant
Il semblait du soleil l'éblouissante image.
Un voyageur par-là d'aventure passant
Et qui jamais n'avait vu de merveille
A l'oiseau de Junon pareille
Le vit ; et de tous ses yeux
Le fixant, pour le voir mieux
Comme un terme devant le chêne
En béant s'arrêta.
Sans doute, se dit-il, cette voix de sirène
Qui charme la forêt vient de cet oiseau-là.
Quelle agréable mélodie !
Son chant du rossignol surpasse l'harmonie.
Avec l'art de former les plus tendres accords
Il a de la beauté les plus riches trésors.
Tout brille en lui d'un éclat admirable ;
Non, l'univers n'a rien qui lui soit comparable.
Notre homme allait l'exalter encor plus
Quand l'oiseau pompeux qu'il admire
Du fond de son gosier pousse des cris aigus
Dont l'âpreté le tympan lui déchire.
Qu'est ceci ? s'écria notre bon voyageur :
Il ne faut donc jamais juger sur la couleur.

Livre V, fable 1




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