À l'heure où le soleil, du haut de sa carrière,
Répandant par torrents les feux de sa lumière,
Des ombres dans les champs accourcit la grandeur,
Où les troupeaux s'en vont recherchant la fraîcheur,
Où les bergers enfin suspendant leur musette,
Sous la foi de leurs chiens s'endorment sur l'herbette
Et laissent reposer les échos d'alentour,
Un voyageur percé des traits brûlants du jour
D'une vaste forêt côtoyait la bordure.
Dans les flancs d'un rocher sous une voûte obscure,
Une grotte à ses yeux offre un asile ouvert :
D'une nymphe on dirait l'habitation sainte ;
Une mousse odorante en tapisse l'enceinte :
D'un ruisseau cristallin la légère vapeur
Entretient autour d'elle une douce moiteur ;
Sous les arbres épais dont le dôme l'ombrage
Des traits bruns de la nuit règne la sombre image ;
Phébus n'en ose point percer l'obscurité.
Enfin ce lieu d'un temple offre la majesté.
Notre bon pèlerin, séduit par tant de charmes,
Dans cet antre au sommeil se livre sans alarmes.
Mais à peine ses yeux par Morphée étaient clos,
À peine goûtait-il les douceurs du repos
Que pour lui cette grotte est le marais de Lerne.
Un énorme serpent, du fond de la caverne,
Déroulant de son corps les replis tortueux
Remplit la roche et l'air de sifflements affreux ;
Sentant d'un étranger l'importune présence
Au milieu de la grotte en fureur il s'élance ;
Et, sous cent coups de dard distillant le poison,
Précipite son hôte aux bords de l'Achéron.
Hélas ! que de mortels, sous des dehors aimables,
Recelentdans leurs cœurs des serpents redoutables !
Envers les malheureux affectant d'être humains,
Les perfides en sont les cruels assassins.