Yrphé, jeune et tendre berger,
Habile, intelligent, du plus doux caractère,
Unique soutien de son père,
Soignait un fertile verger.
Son père avait toujours 'humeur atrabilaire,
Le cœur bon, mais, hélas! son esprit emporté
Rendait nulle cette bonté :
Il n'écoutait que sa colère.
Ce fils, aux premiers traits du jour,
Pour aller au travail, quittait-il sa chaumière,
TI se levait trop tard ; était-il de retour
Le soir quand le soleil finissait sa carrière,
Il arrivait trop tôt, et ce n'était rien faire.
Ce père venait-il visiter les travaux,
C'étaient des cris!... Pourquoi, le plus lourd des lourdaud,
As-tu laissé cette plante honteuse?

Pourquoi cette herbe paresseuse?
Pourquoi ce superbe poirier
Si gauchement s'élève en espalier?
Yrphé baissait les yeux, et gardait le silence.
Mais ce silence irritait Lisimon,
Qui, plissant, haussant le ton,
Battait du pied, ménageait du bâton,
Et forgeait ce bon fils a fuir de sa présence.
Le tendre Yrphé pleurait pour calmer sa. souffrance;
La peine dévorait son cœur.
Quand les bergers du voisinage
Suivaient les plaisirs de leur âge,
I se livrait, lui seul, a sa vive douleur.
I maudissait son existence.
Pour contenter son père, il redoublait d'ardeur,
Les fruits dans le verger naissaient en abondance :
Les rigueurs de son père étaient sa récompense ;
Rien ne pouvait apaiser sa fureur.
Qu'arriva-t-il? En proie a la mélancolie,
Yrphé coula ses plus beaux jours.
Enfin la mort, en terminant sa vie.

Dans l'âge heureux des plaisirs, des amours,
Ravit à Lisimon son unique secours.
Connais, père imprudent, ce que c'est qu'être père :
Sois juste, et non pas trop sévère.

Livre IV, Fable 25




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