Le Miroir et les Enfants Simon Pagès (17ème siècle)

Ornement d'un brillant salon,
Gentil miroir sur une table,
En débitant un beau sermon,
Aimait a faire l'agréable :
Je vous dirai la vérité,
Venez sans crainte, ô. troupe aimable!
J'aime à la dire a:Ja beauté,
Puis à la sotte vanité ;
Je rends tout défaut détestable.
Dans ce salon jouaient plusieurs enfants.
Ils différaient de caractère :
Les uns étaient fiers, arrogants ;
Les autres vaniteux, ayant tête légère.
Heureusement plusieurs brillaient
Par leur aimable modestie:
Cruellement les hautains les raillaient,
Mais ils bravaient leur raillerie.
L'un d'eux s'écria : Courons voir
Ce que dit de nous beau miroir.
Nos petits paons alors redressent leur personne,
Se rengorgent soudain, Ini jettent un coup d'œil
Plein d'orgueil.
Chacun d'eux rit, raille, bouffonne.
Pour le narguer, ils vont sur les talons:
Fuyez, dit le miroir, orgueilleux fanfarons,
Avec le vil mépris qu'un sot orgueil vous donne;
Approchez, modestes amis,
Prés de moi venez prendre place;
Vous êtes dignes d'être admis.
Les mutins font alors mainte et mainte grimace,
Et, furieux, le brisent en éclats.
Nos drôles n'y gagnèrent pas.
A cette cruelle disgrâce,
Tous les fragments ensemble élevèrent leur voix,
Critiquèrent tous a la fois.
Misérables morceaux de verre,
Dit un de ces marmots, qu'êtes-vous sur la terre ?
Notre miroir lui répondit,
Et l'essaim mirmidon resta tout interdit :

Je suis censeur; un jour vous me rendrez justice :
Je conseille le bien, et corrige le vice.

Livre IV, Fable 27




Commentaires