« Voilà le grand Pélican blanc
Qui se perce le flanc
Pour nourrir ses enfants ! » C'est ainsi qu'à tue-tête
Un paillasse, dans une fête,
Signalait au public l'incomparable oiseau
Représenté sur le tableau.
Un monsieur, suivi d'un caniche,
Entra dans la baraque en donnant ses deux sous,
Les chiens, au dire de l'affiche.
Ne payant.pas ; or, soit dit entre nous,
S'il était d'un commun usage
Que les bêtes partout pénétrassent pour rien,
Plus d'un homme aurait l'avantage
D'entrer gratis avec son chien.
Sur une estrade, en son palais de toile
Fort gravement trônait l'oiseau pêcheur ;
Quelques gouttes de sang, comme une rouge étaile,
De son cou tachaient la blancheur.
Le Chien, dans la langue des bêtes,
Lui dit, plein d'attendrissement :
« Monsieur le Pélican, vous êtes
Un modèle de dévouement ;
Mais vous mourrez certainement
Des blessures que vous vous faites. »
— « Ami, lui répondit l'oiseau des bords du Nil,
Laissez les imbéciles croire *
Tout à leur aise cette histoire ;
Mais vous,, dont le nez est subtil,
Comment n'avez-vous pas deviné la malice ?
Ce sang, qui sur mes plumes glisse,
« Est celui des poissons qu'on vient de me donner -
Tout à l'heure à mon déjeuner. »
Combien aisément le vulgaire
Croit aux plus absurdes récits !
Plus d'un héros est populaire
Pour des mots qu'il n'a jamais dits.