Pélican ! pélican ! ce nom à notre estime
A des droits ; en effet., quoi de plus naturel ?
Car on sait, de tout temps, que d'amour maternel
Ce nom seul est synonyme.
Aussi sans peine on comprendra
Quelle douleur de l'un d'eux s'empara,
De ne pouvair fournir à sa progéniture
Au gré de ses besoins assez ample pâture.
Depuis deux jours l'animal désolé
Chassait en vain ; le froid comme la glace
Lui faisaient faire infructueuse chasse ;
Pas un étang ouvert, et qui ne fut gelé.
Par un suprême effort, dernière tentative,
D'un cœur de mère au désespoir.
Il s'aventure encore et croit devoir,
Une dernière fois suivre avec soin la rive
De toutes les eaux d'alentour ;
Laissant à ses petits la faim, mais l'assurance
D'un prompt et fructueux retour.
Mais hélas ! fragile espérance !
C'était là, viande creuse, et les petits marmots
De leurs cris déchirants fatiguaient les échos.
Un coucou, par hasard, trouble leur solitude,
Et passe en ce moment près d'eux.
Il venait, lui, suivant son habitude,
Dans quelque nid voisin de déposer ses œufs.
Du chagrin des petits à peine il sait la cause,
Que son cœur méchant se propose
De publier partout ce cruel abandon,
Pour lequel dira-t-il, il n'est point de pardon.
Laisser deux jours entiers des enfants sans pâture,
Quel crime, hélas ! contre nature !
Ce qu'il taira surtout dans son méchant rapport
C'est d'une mère en pleurs le généreux effort ;
Il faut pour son projet qu'elle soit sans excuse,
Car il dira ; moi qu'on accuse
D'aimer peu les enfants, et tout bas j'en conviens,
D'oublier si souvent les miens,
Je ne serai plus seul ; des mères irritées
Je n'entendrai plus seul les plaintes méritées ;
Courage ! ainsi de moi détournons les cancans,
Pour les faire tomber avec quelque créance,
Quand favorable est l'apparence,
Sur la tête des pélicans ;
Puisqu'à la médisance il faut sur cette terre
Un aliment, à raison comme à tort,
Si sur les pélicans on mord,
C'est le moyen le plus sûr je l'espère,
Que des coucous on ne parle plus guère.
C'est bien ainsi chez l'homme ; et c'est souvent celui
Sur le compte duquel on a le plus à dire,
Qui contre un innocent déchaîne la satire,
Pour se faire oublier en l'occupant d'autrui.