Un Pélican vivait sur les bords d'un étang ;
Il y vivait en solitaire.
Élever ses petits était sa seule affaire,
Et même alors pour eux il prodiguait son sang :
Car le temps à la pêche était peu favorable,
L'ardente canicule avait tari les eaux ;
Les poissons languissants fuyaient sous les roseaux ;
Partant plus de mets pour sa table.
Le nid criant famine, il faut changer de lieu :
Mais l'oiseau n'est plus d'âge à courir par le monde ;
Né sans ambition il vit content de peu,
Et veut se fixer à la ronde.
Le voilà donc qui part, disant un triste adieu
A sa solitude profonde.
Sur la route il entend citer
Un lac voisin où le poisson fourmille,'
Asile heureux offert à sa famille.
C'est là, dit-il, le port que je dois habiter.
Il y volait à tire-d'aile,
Lorsqu'un orage affreux obscurcit l'horizon ;
Dans les airs la foudre étincelle,
Et l'aquilon fougueux, sorti de sa prison,
Sur les champs inondés vient entasser la grêle.
Battu par la tempête, à la merci des vents,
Le pauvre pèlerin se trouble, perd courage :
Il croit déjà descendre au ténébreux rivage.
Que vont, hélas ! devenir ses enfants ?
Par bonheur dans le voisinage
Croissait un Chêne auguste, ornement des coteaux,
Qui mettait à couvert sous son épais ombrage
Une république d'oiseaux.
Jusqu'à son tronc le Pélican se traîne,
De l'hospitalité revendiquant les droits.
Obliger promptement c'est obliger deux fois :
Ainsi pensait le noble Chêne.
Sur le sort de l'oiseau son cœur est attendri.
Il lui prête soudain un généreux abri,
Et devient son dieu tutélaire.
Des fils reconnaissants, et du sensible père,
L'arbre de Jupiter fut à jamais chéri.