« A quoi donc pensait la nature,
Quand elle organisa des êtres si petits ? »
Disait d'un air moqueur, en voyant des fourmis,
Un éléphant tout fier de sa haute stature.
Ce dédaigneux mépris, ce discours insultant
N'étaient pas, il est vrai, dignes de l'éléphant,
Renommé de tout temps pour sa haute.sagesse ;
Mais n'avons-nous pas tous nos moments de faiblesse ?
Blessée avec raison de ce ton suffisant,
Une fourmi dit au géant :
« Par votre taille colossale,
Croyez-vous donc tenir dans la gent animale
Le premier rang ? D'abord, imaginez-vous bien
Que la fourmi ne vous le cède en rien
Du côté de l'intelligence.
Comme vous, nous savons pourvoir à nos besoins :
Comme vous, par de tendres soins,
De nos faibles petits nous protégeons l'enfance.
De plus, en nous creusant de solides maisons,
Nous mettons à l'abri des contraires saisons
Les biens que recueillit notre active industrie.
Quant à votre grandeur, dites-moi, je vous prie,
Avez-vous contemplé ces colosses divers
Qui, versant autour d'eux des torrents de lumière,
Dans l'espace infini fournissent leur carrière ?
Or, au milieu de ce vaste univers,
Qu'est-ce, après tout, que notre terre ?
Une chétive taupinière,
Où pêle-mêle confondus,
- Également inaperçus,
Éléphants et fourmis rampent dans la poussière
Ainsi donc, sans vouloir disputer sottement
D'un vain droit de prééminence,
Ensemble, cher confrère, adorons en silence
Notre père commun qui, tout bon, tout puissant.
Après avoir d'un mot réglé la course immense
Des astres dont sa main sabla le firmament,
Daigne abaisser, dans sa condescendance,
Un regard paternel, un souris bienveillant
Sur la fourmi modeste et le fier éléphant »