Le Danseur de corde et son Maître Théodore Lorin (19è siècle)

A danser sur la corde un prosesseur habile
Exerçait son jeune écolier.
« Monsieur, dit celui-ci, ce pesant balancier
Me paraît au moins inutile :
Il est incommode, assommant. »
a Mais, reprit le maître, au contraire,
Ce contre-poids, par son balancement,
Vous donne l'aplomb nécessaire. »
Rarement la jeunesse écoute la raison :
De cette prudente leçon
L'élève ne tint compte ; il jette avec colère
Loin de lui l'importun bâton,
Ainsi qu'il le nommait. Bientôt le téméraire,
Malgré ses efforts impuissants,
Après avoir chancelé quelque temps,
Lourdement mesure la terre.

Craignez un sort pareil, auteurs présomptueux,
Dont le génie impétueux
Méprise ces règles si sages
Que dicta le bon goût à vos prédécesseurs.
Par vos scintillantes images
Quelque temps éblouis, de vulgaires lecteurs
Vous accorderont leurs suffrages ;
Mais vos écrits, avec leurs défauts éclatants,
Sauront-ils résister à l'épreuve du temps ?