Le Porteur et le Fat Théodore Lorin (19è siècle)

Accablé d'un fardeau pesant,
Un porteur chancelait sur le pavé glissant :
Devant lui sautillait un jeune fashionable.
« Gare ! dit le porteur, gare ! » — « Va-t'en au diable !
Répond le merveilleux : maraud ! ne crois-tu pas
Que je m'en vais, pour toi, me déranger d'un pas ?
Non certe, ou la peste me tue ! »
Comme il parlait encor, par le fardeau froissé,
Il voit au milieu de la rue
Dans un ruisseau bourbeux son chapeau renversé.
Indigné de cette insolence,
Il va se plaindre au juge : le porteur
Avec son avocat se rend à l'audience.
« Monsieur, dit celui-ci, mon client a, je pense,
Quelques droits à votre indulgence.
L'infortuné, muet, pour son malheur. »
« Sur mon âme interrompt le fat avec fureur,
Cette excuse est par trop bizarre :
Monsieur le juge, on se moque de nous.
Lui, muet !. à tue-tête il criait gare ! gare ! »
« Eh bien ! que ne vous gariez-vous ? »