Une poulette avait un grand procès,
(Car on plaide aussi chez les bêtes,
Et l'on y voit de bonnes têtes)
Elle comptait bien peu sur le succès ;
Et le soutenir même était une injustice.
Notre poulette le sentait,
Mais sa fortune en résultait :
En pareil cas on use d'artifice,
Et trop souvent l'honneur se tait.
Elle se mit dans la cervelle
De le gagner, et fort sollicitait.
Je n'ai pas dit d'abord qu'elle était belle,
Et c'est à tort, la poulette l'était.
On la recevait à merveille ;
On lui disait,
On lui contait
De belles choses à l'oreille.
Un Coq était son rapporteur,
Or de lui dépendait l'affaire.
Il faut s'en faire un protecteur,
D'ailleurs, voir ces messieurs c'est l'usage ordinaire.
On l'annonce : et le Coq frappé de sa beauté,
Aussitôt brigue sa conquête.

Avec femme jolie on est, en tête-à-tête,
Ou stupide ou bien effronté ;
Le rapporteur ne fut ni l'un ni l'autre ;
Mais il se ménagea d'aimables rendez-vous.
Les premiers jours il fit le bon apôtre :
On gagne plus à filer doux.
La charmante solliciteuse
Revint souvent, comme on peut le penser ;
Il lui peignit sa flamme impétueuse,
Et vivement sut la presser ;
Sa résistance aussi fut vigoureuse.
Le rapporteur
Sur son honneur
Jura qu'elle serait en tout victorieuse ,
Si... ( ce mot là s'entend quand on a de l'esprit
Et peut bien se passer de glose.)
Labelle à la fin se rendit,
Mais en tous points gagna sa cause.

L'Amour, aveugle autant que l'intérêt,
Et la raison s'éclipse où la beauté paraît.

Livre III, fable 1




Commentaires