Un singe, que son maitre avait pris soin d'instruire,
Dans le palais d'un certain roi
Eut le secret de s'introduire.
En quel pars ? quand ? comment ? Par ma foi !
Je ne saurais trop vous le dire.
Il faut donc me borner à raconter le fait ;
Je le tiens d'un Gascon, ainsi l'on peut me croire.
Mais revenons à notre histoire.
Le roi fut enchanté de son nouveau sujet.
Il admirait ses talents, son adresse,
Sa vivacité, sa souplesse.
On sent bien que les courtisans,
Si tout bas ils le critiquèrent,
En face du moins lui trouvèrent
Un ton noble, des airs galants,
Et de l'esprit, et de la grâce.
De tout à la fin on se lasse,
Et plus vite à la cour. Le singe, par malheur,
Du prince perdit la faveur.
Le voilà des salons relégué dans l'office,
Devenu le jouet des filles de service,
Des cuisiniers, des laquais insolents.
Il tint bon durant quelque temps ;
Mais, las enfin de ce triste esclavage,
Il s'échappe un jour de sa cage,
Et, se trouvant en liberté,
Court étaler dans la société
Ces airs coquets, ces gentillesses,
Qui jadis de la cour lui valaient les caresses.
Partout il fut bafoué, rebuté.
« Je suis bien fou, dit-il ; allons dans ma patrie
Faire admirer mes grâces, mon génie.
A coup sûr, mes rares talents,
Ma science du bel usage,
Sur mes confrères ignorants
Me donneront un immense avantage. »
Il dit, et part pour son pays,
Où, durant sa jeunesse, il eut beaucoup d'amis.
Mais ces enfants de la nature
Se soucièrent peu de l'élève de l'art,
Et censurèrent sans égard
Sa marche, ses habits, sa grotesque tournure.
Fatigué de tous leurs discours,
Auprès d'une guenon, objet de ses amours,
Notre magot, afin de prouver sa tendresse,
Veut essayer des airs passionnés ;
Sa pétulante et naïve maîtresse,
Pour réponse lui rit au nez.
Il ne put résister à ce nouvel outrage,
Et s'éloigna, le cœur gonflé de rage.
« Mon cher, lui dit un vieil orang-outang,
Tu croyais obtenir chez nous le premier rang,
En nous faisant un pompeux étalage
De ton savoir aux hommes emprunté ;
Mais en cela tu t'es montré peu sage.
Nous ne prisons ici que le mâle courage,
La force, la dextérité,
Surtout une franche gaité.
Or, ton commerce avec les hommes
T'a ravi ces dons précieux.
Ce que nous pouvons tous, crois-moi, faire de mieux,
C'est de rester ce que nous sommes. »