La Gloire et l'Ombre Valéry Derbigny (1780 - 1862)

On dit que, devant l'Ombre, un jour,
La Gloire se vantait de ses prérogatives.
« L'honneur me doit ses marques distinctives ;
Je dispense les rangs ; j'élève tour à tour
Le guerrier, le savant, l'orateur, le poète ;
Et tel qui passe pour prophète
Serait resté sous le boisseau
Sans le secours de mon manteau.
Enfin, ceux à qui je le prête,
Par caprice le plus souvent,
Je les conduis bien plus avant
Que ne ferait, en sa marche discrète,
Ou le plus sublime talent,
Ou la vertu la plus parfaite. »

À quoi l'Ombre lui répondit :
« J'ai moins d'éclat que vous ; mais je commence à croire
Que ce n'est pas sans raison qu'on a dit
Qu'il est plus d'un rapport entre l'Ombre et la Gloire.
Nos destins, je le vois, sont si peu différents,
Et l'on doit d'autant moins douter que je vous vaille,
Que, comme vous, je fais paraître grands
Des hommes de petite taille. »

Livre II, Fable 2




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