Impatient d'ouvrir son calice à l'Aurore,
Un bouton de fleur se plaignait
Et même, parfois, s'indignait
Qu'il ne pût librement éclore
Dans tout l'éclat de ses jeunes attraits,
Sans être environné de feuilles inutiles
Qui semblaient croître tout exprès
Pour cacher ses formes nubiles.
« Déjà peut-être du Zéphyr,
S'il eût pu m'approcher sans peine,
J'aurais reçu la douce haleine
Et partagé tout le plaisir,
Disait-il ; mais toujours, autour de moi rangées,
Ces feuilles sont comme chargées
D'étouffer mon premier désir.
Ah ! si prenant pitié de ma peine secrète,
Quelque main voulait me ravir
Au joug sous lequel je végète,
Qu'il serait doux pour moi de la pouvair bénir !
La main qui cultivait cette fleur indiscrète,
Soit complaisance, soit humeur,
Arracha soudain de la tige
Tout le feuillage protecteur.
Le bouton vit bientôt, hélas ! pour son malheur,
Où conduisait son esprit de vertige.
Des premiers feux d'un soleil dévorant
Il reçut l'atteinte mortelle ;
Et, sur sa faute, alors, pleurant,
Trop tard désabusé de son erreur cruelle,
Sur cette tige sans vigueur,
Avant de s'entr'ouvrir il mourut de langueur
Vous donc qui me lisez, ô mères de famille,
Bien mieux que vos enfants connaissez leurs besoins.
Ce feuillage, ce sont vos soins ;
Ce boulon-là; c'est votre fille.