Un lions orgueilleus
Cruel et envieus
Si volt aler chacier :
Un chevrel esgarda
A qui il comanda
Qu’il li venist aidier.
La vache et la brebis
En a aussi requis
Qui volentiers y vont ;
A la voie se metent,
Tous et un et s’apprestent,
Plus long séjour n’i font.
Un cerf ont encontre :
Tout quatre l’ont frapé
Tant que il l’ont occis :
Quatre quartiers en font,
Porce que quatre sont :
Devant eux les ont mis.
Seignor, dit le lion,
Oiez que nous ferons :
Je veil ce cerf partir.
La première pai'tie,
Je l’ai bien desservie,
Qui ne vouldra mentir.
Pour quoi que je sui roi,
Raisons est, par ma foy,
Que j’aie la seconde :
La tierce, le plus fort
L’aura, je m’en accort,
Se n’en suis-je mécompte.
La quarte qui voudra
Touchier, il morra:
Entendez vous ce compte,
Le lion, parmaistrie,
Ot tout en sa baillie.
Entendes que ce monte.
Qui est en compaignie
D’un cruel plain d’envie
Ne puet avoir fors lion :
Quant il a gaagnié,
Et il est haut et lié,
Si vient son compagnon,
Qui prent tout en sa part
Et l’apele musart ?
Et traître et glouton.
Fable IX
Notes
Je m’en accort : j’en suis d’accord
Mécompte : mécontent
Maistrie : pouvoir
Baillie : possession, puissance
Hon : honte
Lié : joyeux, de loetus
Musart : sot, débauché