Il n'est point de Dieu pour l'impie :
Tour les cœurs durs il n'est point d'amitié ;
Mais voyez ce trio lié
Par la plus douce sympathie ;
Demandez-lui s'il est heureux ;
Tous les trois s'écrieront, ô puissante harmonie !
Liens sacrés, aimables noeuds !
Vous étés le seul bien qui fasse aimer la vie.
Azar, Ibas et Nouskirsan,
Les trois amis de cette Fable
Dans les plaisirs du Korassan,
Pensaient ainsi de ce nœud respectable.
L'un d'eux, c'était Ibas, d'un destin misérable
Sentit un joue le poids affreux;
J'ai mes amis, dit—il, auquel des deux
Vais-je donner la préférence !
Il fait que l'un et l'autre ont même amour pour lui,
S'il prend Azar pour son appui,
Il va faire à l'autre une offense.
Mais comme il faut, quand notre âme balance,
Qu'enfin elle prenne un parti ;
Ce fut à Nouskirsan, que parvint la peinture
Des maux et des besoins d'lbas.
Nouskirsan, pour tout bien dans cette conjoncture,'
Ne possédait que vingt Ducats ;
Dans une bourse bien scellée
Toute la somme rassemblée
Va consoler Ibas de son adversité
Au moment qu'elle arrive, Azar de son côté
Prés d'Ibas avait député,
Son besoin est urgent, il appelle à son aide ;
La bourse vole à son secours.
Mais de ses maux à peine, Azar voit le remède,
Que Nouskirsan, à lui seul a recours ;
Aux besoins, d'un ami, mon propre besoin cède.
Dit Azar et voilà soudain
Pour la troisième fois les Ducats en chemin.
De Nouskirsan, la surprise est extrême
Quoi ! dit-il, c'est ma bourse même !
On ne l'a point ouverte et voilà mon cachet
En bon état et bien complet ?
C'est chez Ibas qu'un valet l'a portée,
Est c'est Azar qui me renvoie ici.
De cet événement son âme est agitée ;
Il court chez Azar Con ami.
Mon cher Azar, que veut dire ceci?
D'où vous vient, dit-il, cette bourse ?
D'Ibas, répond Azar, à l'instant, près de lui,
J'avais trouvé cette ressource ;
Vos besoins, sur les miens, ont obtenu 1e pas,
On s'achemine chez Ibas,
Et puis Dieu fait quand on eut su l'affaire,
Si chacun d'eux eut des remercîments
Et des Compliments à se faire !
Combien 1e cœur s'épancha doucement I
Si l'on se sic mainte car r esse,
Et si dans leur vive allégresse
Par te trésor entre eux trois partagé,
Chaque besoin ne fut pas, soulagé !
Fiers Publicains, Grands de la terre,
Vous qui croyez du Ciel être les favoris,
Dans votre ivresse passagère
Ne soyez point en orgeillis ;
Vous embrassez tous la chimère;
Le vrai jour est pour nos trois amis.
Note de l'auteur : Le Korassan est un royaume considérable de l'Asie en deçà de l'Oxus.