Sous quelle étoile suis-je né !
Disait certain baudet couché dans une étable ;
Que de bon cœur je donne au diable
Le maître ingrat que le ciel m’a donné !
Combien lui rends-je de services ?
Et combien m’en faut-il essuyer d’injustices ?
Debout longtemps avant le jour,
Il faut marcher, porter les herbes à la ville,
Courir de porte en porte, et puis à mon retour
Rapporter le fumier qui rend son champ fertile ;
Aller chercher au bois ma charge de fagot ;
Toujours sur pied, toujours le trot.
Vient-il un dimanche, une fête ?
Je le porte à la foire, en croupe sa margot,
Et puis en deux paniers Jacqueline et Pierrot.
Son maudit singe encor se campe sur ma tête.
Si je m’écarte un peu pour un brin de chardon,
Soudain marche martin bâton.
Tandis que son Bertrand, son baladin de singe,
Franc fainéant, maître étourdi,
Sautant, montrant le cul, gâtant habits et linge,
Vit sans soins, mange à table, est sur tout applaudi.
Peste du mauvais maître, et que dieu le confonde !
Ami lui dit un bœuf de cervelle profonde,
Le maître à qui le sort a voulu t’asservir,
N’est pas pire qu’un autre. Apprends qu’en ce bas monde
Il vaut mieux plaire que servir.

Livre I, fable 7






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