Un prince voyageait, cherchant les aventures,
Mais non pas tout à fait en chevalier errant ;
Il marchait avec suite, avait pris ses mesures,
Sa cassette suivait, bon trésor, sûr garant.
Contre mille besoins enfants des longues courses ;
Le courage et l’argent, c’était là ses ressources.
Il aperçoit un jour, écrits sur un rocher,
Ces mots en vrai style d’oracle :
Je mène au grand trésor qu’un dieu voulut cacher ;
Il est gardé par maint obstacle,
Et d’abord, pour premier miracle,
C’est par mon sein qu’il faut marcher.
Perçons-le, dit le prince. On assemble mille hommes,
Travaillants jour et nuit, bien nourris, bien payés ;
Et moyennant de grosses sommes
En peu de jours les chemins sont frayés.
Le rocher traversé, se présente un abîme.
Le trésor est plus loin, dit un autre écriteau ;
Comble-moi. soit, comblons ; dit l’Amadis nouveau ;
Le trésor, à ce que j’estime
Sur ces précautions, doit être un bon morceau.
Nouveau travail et nouvelles dépenses.
Mais l’abîme comblé, les belles espérances
Se reculent encor. D’une épaisse forêt
Un pin gravé lui dit : le trésor est tout prêt ;
Mais pour aller jusqu’à sa niche,
Il faut abattre bien du bois.
Sur nouveaux frais, on travaille, on défriche ;
La cassette du prince est enfin aux abois.
Il arrive au travers de la futaie ouverte
Dans une campagne déserte.
Un seul dragon gardien du trésor,
Lui dit : ce n’est pas tout, il faut me vaincre encor.
Bon, dit l’autre ; il s’agit maintenant de courage :
Ma bourse était à bout, ma valeur ne l’est pas.
Il fond sur le dragon, qui réveillant sa rage,
Et d’un regard terrible annonçant le trépas,
Vomissait un affreux nuage
De fumée et de feux précurseurs du carnage.
Le prince combat en héros ;
Le danger même l’évertue.
Il porte mille coups ; le sang coule à grands flots ;
Il est blessé vingt fois ; mais à la fin il tue.
Enfin, voici, dit-il, le trésor qu’on me doit.
Il appelle ; on vient voir ; on calcule la somme ;
On trouve, sou pour sou, tout l’argent qu’à nôtre homme
Avait coûté ce grand exploit ;
Et d’un baume excellent deux petites mesures,
Juste, ce qu’il en faut pour guérir ses blessures,
Le dieu s’était joué du chevalier errant.
Il voulait par-là nous apprendre,
Qu’après bien des peines souvent
On n’est pas mieux qu’auparavant.
Heureux qui n’est pas pis ! Ce sont grâces à rendre.

Livre IV, fable 13






Commentaires