Le Précepte de Mahomet Antoine Le Bailly (1756 - 1832)

Mahomet dit dans l'Alcoran :
Crains de manger du porc, fidèle musulman !
« Cet animal renferme une partie impure ;
Et, sous les peines de l'enfer,
Tu dois t'abstenir de sa chair. »
Ce précepte, jadis, causa plus d'un murmure
Parmi quelques Imans réunis en secret
Pour manger un cochon de lait.
-Encor, dit l'un des bons apôtres,
Si, donnant au Précepte un sens moins étendu,
Le prophète eût nommé le morceau défendu,
On aurait pu manger les autres ;
Mais, à cause d'un seul, les interdire tous,
C'est nous traiter en sots : amis, qu'en pensez-vous ?
-Docteur, répond l'un d'eux, voici ce que je pense :
L'article est délicat ; voulons-nous assurer
La paix de notre conscience,
Il convient d'en délibérer :
Or, sans me mettre ici l'esprit à la torture,
Je vais m'expliquer en deux mots.
Le morceau défendu, certes, n'est point la hure ;
Mais je soutiens que c'est le dos.
- Moi, le ventre, s'écrie un des autres suppôts.
Ce sont les pieds, dit un troisième.
Pour l'oreille et la queue on opina de même.
Après avoir bien pesé tout,
Nos dévots musulmans au cochon firent fête.
Chacun en prit selon son goût ;
L'animal fut mangé des pieds jusqu'à la tête.

Ce monde est une table où mille conviés,
Sévères pour autrui, pour eux pleins d'indulgence,
Composent de la sorte avec leur conscience ;
Et tous les plats sont nettoyés.

Livre I, fable 7




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