Mahomet et le pauvre Homme Marie-Amable Petiteau (1736 - 1816)

Avec ferveur un pauvre musulman
Priait et méditait, jeûnait le Ramazan* ;
Il avait orné sa mémoire
Des beaux passages du Coran,
Et du bien qu’il faisait lui rapportait la gloire.
Tandis que du prophète il relisait l’histoire,
Sur un nuage d’or Mahomet descendit,
Et lui dit :
Je suis touché de l’ardente prière
Que tu m’adresses chaque jour ;
Tu mérites tout mon amour.
C’est pour récompenser ta foi vive et sincère,
Qu’un moment j’ai quitté les cieux ;
Oui, je viens t’assurer que tu seras heureux.
Parle, apprends-moi ce qui pourrait te plaire.
Si tu n’es qu’un ambitieux,
Je plaindrai tes dangers en exauçant tes vœux ;
Je te ferai muphti, vizir, et sultan même.
Le bon dévot d’abord fort étonné.
Se rassurant un peu, dit : Je ne suis pas né
Pour parvenir à cet éclat suprême ;
Laisse-moi vivre infortuné.
On m’offrirait tous les trésors en somme
Pour devenir muphti, favori, grand vizir,
Je dirais non ; car mon désir
Est de rester un honnête homme ;
Et quant au rang de souverain seigneur,
Je n’en voudrais pas davantage :
Nos potentats ont toujours peur.
Je pourrais des humains commencer le bonheur ;
Mais aurais-je le temps de finir mon ouvrage,
Dans ce climat où l’homme est rebelle, inconstant ?
Il n’est qu’un insensé qui désire ardemment
De posséder une couronne
Qu’il ne porte, hélas! qu’en tremblant,
Et qu’enfin un caprice ôte, ainsi qu’il la donne.
Ne m’afflige donc plus par l’offre de bienfaits
Que je n’accepterai jamais.
Je ne voudrais qu’une simple chaumière,
Un petit bois et quelques champs,
Tendre femme et jolis enfants,
Honnêtes gens ;
Et, pour me rendre heureux jusqu’à ma dernière heure
Ô Mahomet ! garantis ma demeure,
Non des voleurs, car je n’ai point d’argent,
Mais de l’impie et du méchant.
L’objet de tous ses vœux fut bientôt son partage ;
D’un cœur reconnaissant le dévot l’accepta ;
Et Mahomet, sur son nuage,
A son paradis remonta,
En s’écriant : Enfin, je viens de voir un sage !



Koran est écrit Coran par l'auteure.

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