Espérant mettre fin à sa stérilité,
Sa majesté lionne entreprit maint voyage,
Fit sans succès vœux et pèlerinage ;
Enfin ne comptant plus avoir postérité,
Ayant presque passé la saison du bel âge,
Epoux, sujets, elle surprit,
En mettant au monde un petit.
L’événement aux forêts retentit :
Tous les courtisans s’assemblèrent ;
Tous d’une voix délibérèrent
De complimenter le nouveau
Lionceau,
Le monarque lion, son père,
Ainsi que son auguste mère.
Le renard, comme adroit menteur,
Fut préféré pour être l’orateur.
Vers la cour cheminant, il trouve une génisse
Qui, solitaire dans un pré,
Paissait herbe et fleurs à son gré :
Le ciel enfin nous est propice ;
Au bonheur, lui dit-il, l’empire est destiné :
Sans doute vous savez qu’un prince nous est né,
Et qu’au palais le roi veut qu’on s’en réjouisse.
Venez donc avec nous dans ce riant séjour,
Féliciter notre bon maître,
Et l’héritier charmant qui de lui vient de naître :
Moi, dit-elle, aller à la cour !
Jamais on ne m’y voit, je n’y connais personne ;
Moi, paraître en ce lieu ! Non, non,
J’ai peur des griffes du lion,
Je crains la dent de la lionne,
Et je n’ai rien à dire à ce marmot d’enfant
Qui nous fera trembler sitôt qu’il sera grand.