Une bavarde, oh ! la chose est commune ;
Mais celle-ci l'était comme il n'en est pas une :
C'était un vrai moulin
De méchantes paroles,
Ne débitant jamais le fiel en paraboles,
Vrai fléau féminin.
Elle avait un mari, jugez de sa misère
Elle déversait là sa bile et sa colère :
Un déluge incessant, infernal,
Tombait sous l'heureux toit du lien conjugal.
Le ciel se fatigua... la dangereuse hôte
Un beau malin se réveilla muette.
La nouvelle, bientôt, partout se répandit,
Et partout, Dieu le sait, si l'on s'en réjouit.
Nous allons respirer, disait une voisine ;
Nous pourrons désormais porter la crinoline,
Nos pagodes pendantes, notre petit chapeau,
Nos corsets bien serrés, le lutin caraco,
Sans entendre à tous pas vibrer dans nos oreilles :
« Avez-vous jamais vu des pédantes pareilles ? »
Bien d'autres mots encor plus vilains mille fois.
Un effroyable cri lui fit tourner la tète ;
C'était la furibonde et méchante muette.
Hurlant comme un loup dans les bois.
A son muet caquet ne mettant plus do bornes,
Aux hommes qui passaient elle faisait les cornes.
Je n'irai pas plus loin ;
Méchante langue est un venin
Qui flétrit tout ce qu'elle touche :
Otez-la île la bouche,
Elle médit encor
Et mémo par de là la mort :
Car celle-ci voulut qu'on mette
Sur son tombeau, (vœu qu'elle fit de son vivant :)
Ci-git une muette,
« Vas au Diable, passant »
Bavardage conduit droit à la médisance,
À la méchanceté.
Pères et mères, tâchez d'en préserver l'enfance
Autant, pour ici bas, que pour l'éternité.