Le Lion débodaire Babrius (Ier - IIème siècle)

Le lion un jour voulut prendre les manières honnêtes des hommes. Habitant une profonde caverne, il cherchait à recevoir de son mieux les animaux de la montagne dont il connaissait le bon naturel. Souvent un grand nombre d'animaux de toute espèce se rendaient dans sa caverne, et y vivaient: en bonne amitié; il les accueillait et les traitait en hôte scrupuleux ; la chère était abondante et agréable. Il avait choisi pour ami et pour commensal un renard qui devisait amicalement avec lui sur toute sorte de sujets. Un vieux singe avait la charge de découper les viandes et de faire la part de chaque convive. Lorsque venait quelque étranger, le singe servait également au maître et au nouveau venu les produits de la dernière chasse du lion ; le renard, moins bien traité, vivait des reliefs de la veille. Enfin le lion, voyant un jour qu'il affectait de garder le silence et de ne pas toucher au dîner, lui en demanda la raison : « Sage renard, cause à ton ordinaire ; prends une mine plus riante, et mange. » Le renard répondit : « Puissant roi des animaux, j'ai bien des tourments, bien des soucis : ce n'est pas seulement le présent qui me chagrine, mais l'avenir que j'entrevois me fait verser des pleurs. Si les hôtes se succèdent ainsi chaque jour, et que cela devienne une habitude, seul je n'aurai plus même ma part des restes de la veille. » Le lion charmé sourit, et lui dit en lion : « C'est au singe, et non pas à moi, qu'il faut t'en prendre. »

Fable 105




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