Le bon sens règne aussi chez les Orientaux ;
Toujours instructifs et moraux
Leurs écrits sont pleins de noblesse.
On y trouve, il est vrai, tant soit peu de pathos,
Mais que de leçons de sagesse !
Témoin ce conte, ouvrage d’un dervis…
Je l’ai traduit pour vous, écoutez, mes amis :
« Suis-je adroit ? suis-je heureux ? mon père ;
Disait le jeune Usbeck au vieux pacha Nirkan.
« Je plais à la sœur du sultan y
« Et le sultan, demain, fait de moi son beau-frère…
« Déjà (jugez de ma faveur)
« Je suis désigné pour la chasse ;
« Félicitez-moi donc ; est-il pareil bonheur ?
« Et quel croyant jamais fut en si belle passe ? »
Le pacha répondit : « Je conçois ton erreur.
« Jeunesse trop souvent juge sur la surface.
« En croiras-tu mes cheveux blancs ?
« On connaît bien le monde à soixante et dix ans…
« Ta fortune est loin d’être sûre :
« Les souverains, les femmes et le temps
« (Rien ne peut changer leur nature)
« Comme les flots sont inconstants.
« Je tremble pour ta destinée ;
« Mon fils, modère tes transports. »
Nirkan avait raison ; car toute la journée
Il pleut, et point de chasse. Usbeck fait mille efforts,
Mais en vain, pour hâter son brillant hyménée :
Le monarque avait de l’humeur ;
Du jeune homme il blâma l’impétueuse ardeur.
Usbeck contrarié peut-il paraître aimable ?
On le trouve chagrin, bizarre, insupportable ;
La princesse bientôt l’exile de son cœur…
Et notre ambitieux, que son destin accable,
Cache loin de la cour sa honte et sa douleur.
La fortune est capricieuse ;
Qui veut la suivre affronte une mer orageuse
Il ne faut pas sur elle établir son bonheur.