Le vulgaire ne voit pas plus loin que son nez.
Ce qu'il a fait hier, il va le faire encore.
C'est au sage à guider cette aveugle pécore.
Dans des gagnages ruinés
Daims et cerfs ne trouvaient qu'une faible pâture
Insuffisante nourriture
Pour tant de monde qu'ils étaient.
Tous les jours ils multipliaient ;
Et ni daims, ni cerfs ne pensaient
A chercher d'autres pâturages.
On les voyait qui languissaient,
Broutant par ci par là quelques herbes sauvages,
Et montrant l'échiné aux passants ;
Echine qui prêtait à rire à maints plaisants.
Dès qu'il s'agit de railler la misère,
Il se présente force gens
Qui sur ce point sont fort savants ;
Mais y porter remède est pour eux autre affaire.
L'état de la peuplade empirait tous les jours,
Quand, de retour de ses voyages,
Un Cerf dix cors tint ce discours
Aux habitants de ces gagnages :
Je vous avais laissés reluisants, rebondis .-
A quelle extrémité vous trouvé-je réduits ?
D'où peut venir, mes chers amis,
Le triste sort qui vous accable ?
Vous qui venez de voyager,
Répond la troupe misérable,
Pouvez-vous nous interroger
Sur la cause de l'infortune
Qui met notre vie en danger ?
A tous les animaux n'est-elle pas commune ?
Le bon temps est passé. Voit-on comme autrefois
De l'herbe dans les prés, des feuilles dans les bois ?
C'est assez, dit le Cerf, charmé que l'ignorance
Eut seule causé leurs malheurs :
Venez tous, mes amis, vivre dans l'abondance :
Il est encore dé l'herbe, il est encor des fleurs.
A ces mots, le vieux cerf emmène
Ses amis en d'autres Climats,
Où bientôt le tilleul; lé charme et la bourdaine
Leur fournirent d'amples repas.