D’un vieux bourgeois, grand usurier,
Pour son malheur, un Peintre était le locataire ;
Il lui devait un terme, et le propriétaire
Menaçait de saisir son chétif mobilier.
— « De grâce, attendez-moi, lui dit le pauvre diable ;
» Je réglerai le tout dans un délai prochain. »
— « Payez, ou je vous fais exécuter demain. »
Répond l’avare impitoyable :
— Un tigre du Bengale eût été plus humain.
L’Artiste, en son logis, rentre la mort dans l’âme,
Et s’écrie en pleurant : « ô mes enfants ! ma femme !
» Qu’allez-vous devenir ? Si, de cette maison
» Nous sommes expulsés, désormais sans asile,
» Vous n’aurez d’autre domicile
» Que l’hôpital ou la prison.
» De vingt ans de travaux voilà donc le salaire !…
» Puis, de rabattement passant à la colère :
« Ô cœur cruel, que rien ne peut toucher,
» Harpagon, que le ciel confonde !
» C’est sur mon mobilier que ton espoir se fonde ;
» Tu n’en jouiras pas ! Je saurai l’empêcher… »
Et, prenant une hache, à droite, à gauche, il frappe ;
Tables, bureaux, fauteuils, à son bras rien n’échappe ;
Le parquet est jonché d’innombrables débris.
Restait un meuble ancien, aux bois mal joints, pourris,
Invalide boiteux, que, d’un semblable outrage,
Auraient dû préserver ses services passés.
Le Peintre, furieux, aveuglé par sa rage,
N’en prenant nul souci, l’attaque a coups pressés…
Mais ô surprise ! ô chance inespérée !
Il voit sur le plancher rouler des pièces d’or !
Dans ses flancs vermoulus la masse délabrée,
Au fond d’une cachette, abritait un trésor.
L’homme tombe à genoux, bénit la Providence.
Que de riants projets il forme dans son cœur !
Lui qui manquait de tout, vivra dans l’abondance,
Et, de la misère vainqueur,
Artiste, il gardera sa noble indépendance.

Des choses d’ici-bas tel est souvent le cours.
Celui qu’en son malheur la Fortune délaisse,
La voit, par de brusques retours,
Capricieuse et volage déesse,
D’elle-même accourir pour lui porter secours.





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