Le Chien du Braconnier Auguste-Charles Delétant (1802 - 18??)

Ayant maille à partir avec dame Justice,
Un homme se tenait dans sa maison caché.
Bientôt pour le saisir arrive la Police ;
Après avoir sur tous les points cherché,
Exploré le logis des caves jusqu’au faîte,
Sans pouvoir découvrir le lieu de sa retraite,
Les agents mécontents allaient se retirer.
Tout à coup un voisin s’écrie :
— « Le gibier n’est pas loin ; pour vous en assurer,
» Attendez, messieurs, je vous prie ;
» On peut le prendre au gîte, et j’en sais le moyen :
» Le Braconnier possède un chien,
» Grand chasseur, bon limier, et, soit dit sans offense,
» Fox a le nez plus fin que vous ;
» Je réponds du succès avec son assistance.

Ce bel expédient fut approuvé par tous.
On fait venir le Chien : la pauvre bête,
Sans soupçonner la moindre trahison,
Se met à l’instant même en quête,
Va, vient, fait mille tours, monte, descend, furète
Dans tous les coins de la maison.
Soudain l’animal s’arrête,
Tend le cou sans bouger, hume l’air bruyamment,
Repart, et vers un point se porte brusquement ;
Le voila qui gémit, avec fureur aboie,
De ses pattes en sang labourant le plancher
Plus de doute, on est sur la voie,
Et les gendarmes d’approcher.
Enfin, sous une trappe, on trouve la cachette
Où l’homme se tenait blotti.
A peine en était-il sorti
Que le Chien à son cou se jette,
Lèche ses pieds, ses mains, sans pouvoir se lasser
De lui donner des marques de tendresse.
Le malheureux, loin de le repousser,
Lui rend caresse pour caresse
Et dit, avec un gros soupir :
— « Mon pauvre Fox, le seul être qui m’aime,
» Toi, complice innocent d’un affreux stratagème,
» Hélas ! pour moi le coup le plus rude à souffrir
» Est qu’on se soit servi de ton amitié même,
» Pour t’amener à me trahir. »

L’amitié, portée à l’extrême,
Devient parfois fatale en son aveuglement.
Il faut aimer avec discernement.





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