La Femme qui craint d'engraisser trop Barthélemy Imbert (1747 - 1790)

Taille légère sied aux belles;
Mais surtout nos femmes de cour
En font grand cas. Une d’entre elles,
Jolie encore et faite au tour,
Pour ne pas engraisser un jour,
Ne mangeait point, du moins ne mangeait guère,
Bélinde trouvait l’embonpoint
Roturier, fait pour le vulgaire,
Indigne d’elle ; et sur ce point
Cet avis est fort ordinaire.
En vain dans un repas son goût serait tenté :
Pour ne toucher à rien, elle trouve tout fade :
Elle redoute la santé
Comme l’on craint d’être malade.
Vient-on lui dire quelquefois
Pour la flatter, selon l’usage :
Je vous trouve fort bon visage,
Même plus d’embonpoint; en voilà pour deux mois
De diète, et la plus austère;
On sait fort bien qu’en pareil cas,
Cette recette est salutaire;
Bélinde aussi n’engraissa pas ;
Mais elle maigrit tant, que la beauté loin d’elle
S’enfuit de moments en moments;
Puis les grâces, puis les amans ;
Sa beauté n’était plus, on devint infidèle;
On l’est à moins. Enfin, ô disgrâce cruelle !
L’amant chéri, qu’excédaient les railleurs,
Rendit sa rupture authentique;
Il quitta sa Vénus étique
Pour aller s’enflammer ailleurs.

Eh ! mesdames, pourquoi se donner tant de peine ?
Soyez belles tout bonnement.
Pour la taille et les pieds, toujours nouveau tourment
Chaussure étroite, et prisons de baleine !
Croyez-moi; c’est en vain que l’art
Met vos appas à la torture;
Vos soins outragent la nature,
Elle se venge tôt ou tard.





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