La Dent d'or Camille Viala (19è siècle)

Certain jour on apprit, dans la docte Allemagne,
Qu’un enfant, ô prodige ! avait une dent d’or.
Émerveillés, voilà les savants eu campagne,
De leur science ils vont épuiser le trésor :
Se trouva-t-il jamais un pareil phénomène ?
Quelle bonne fortune ! on sait qu’entre savants.
La dispute est de droit : dès les premiers instants,
(Qui peut prévoir jusqu’où la passion entraîne ?).
On s’irrite, on s’exalte, on s’emporte en pamphlets ;
La colère, en grondant, s’accroît de ses excès.
Que la dent ne fût d’or, nul ne l’avait en doute ;
Mais comment a cru cette dent
Dans l’alvéole de l’enfant ?
Entre les contondants va s’échauffant la joute.
Jadis la pomme d’or, parmi les immortels,
No fit point éclater de troubles plus cruels.
C’en est fait des Germains, ta discorde fatale
Vomit sur leurs esprits sa vapeur infernale ;
Et sous ce souffle empoisonné,
Ces peuples, si doux d’ordinaire,
Ne respirent plus que la guerre ;
Ils volent aux combats, le regard fasciné…
Quand une voix s’écrie : arrêtez, ô barbares !
Pourquoi donc allez-vous profaner vos dieux lares ?
La dent d’or n’exista jamais ;
Elle n’est que pure chimère,
La fraude d’un orfèvre, un être imaginaire,
Et pourtant vous courriez au plus grand des forfaits !..
Il fallait, ô Germains ! avant votre querelle,
De la dent d’or sonder l’existence réelle.

Ainsi sur toute chose on se mettrait d’accord,
Et nul ne prendrait le vertige,
Si de la cause du litige
On sondait le fond tout d’abord.

Livre I




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