Le Berger et la Mer Charles Beaulieu (19ème)

Content d'avoir repris son état de berger,
Désormais, dans l'espoir de voir hors de danger
Sa fortune et sa vie,
Notre homme, au comble de ses vœux,
Chante le doux plaisir dont son âme est ravie ;
Ou, pour parler le langage des Dieux,
Dans les transports que le bonheur inspire,
Il répète dans son délire,
Ces mots: Ce n'est qu'aux champs que l'on peut être heureux.
Il aurait volontiers, comme dans son jeune âge,
De chants d'amour redit quelque passage,
S'il ne les eût oubliés étant vieux.
Bref, il était content, tout allait pour le mieux.
Mais voici qu'une maladie
Emporte en entier le troupeau ;
Sur la terre est pour lui la même pénurie
Que lorsqu'il trafiquait sur l'eau.
En qualité d'ancienne connaissance,
A la mer alors calme il confiait ses maux,
Lorsqu'il apprend, contre toute espérance,
Qu'un sien navire à cargaison immense,
Echappé par miracle à la fureur des flots,
Arrive en ce moment pour finir sa misère.

Concluons, que l'on soit bergers ou matelots,
Le sort peut nous trahir ; que sur mer ou sur terre,
C'est le ciel seul qui peut nous le rendre prospère.

Livre IV, fable 2




Commentaires