La bonne Brebis Claude-Joseph Dorat (1734 - 1780)

Et butte à la fureur des autres animaux,
La Brebis, surmontant sa crainte,
A Jupiter porta sa plainte,
Le pria de l'entendre et de finir ses maux.

Le Dieu, par ce discours, la flatte et la rassure :
Contre tes ennemis j'aurais dû mieux t'armer ;
Je le vois, bonne créature,
On opprime souvent ceux qu'on devrait aimer :
Mais réparons. Souhaite une défense ;
Et je souscris soudain à tes désirs prudents :
Veux-tu des griffes ou des dents ? –
Moi ! j'aurais quelque ressemblance
Avec ces animaux qui dévorent les gens !
Faut-il de noirs venins infecter ton haleine ? –
Ah ! Dieu ! j'exciterais la terreur et la haine :
On a tant d'effroi des serpents ! –
Aimerais-tu donc mieux des cornes à la tête ? –
Le Bouc en a, le Bouc est trop hargneux ;
Son Arme apparemment l'empêche d'être honnête :
Rien de commun entre nous deux. –
Chaque mot que tu dis redouble ma surprise ;
De ta douceur enfin songe à te départir.
Si tu ne veux pas qu'on te nuise,
A nuire un peu toi-même, il faut bien consentir. –

Que je nuise ? qui, moi, mon père !
Combien j'expirais vos bontés !
Ah ! laissez-moi mon caractère :
Mon cœur répugne aux cruautés ;
fit j'aime mieux les souffrir que d'en faire.

Livre III, fable 9




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