Lubin, cité partout comme un franc égoïste,
Un beau matin en s'éveillant,
A Babet, sa moitié, racontait d'un air triste
Ce songe qui n'est que plaisant :
- À peine le sommeil avait clos ma paupière,
Je rêvais qu'un mal imprévu
Avait terminé ma carrière,
Et que tout de mon long dans la bière étendu,
Grâce au pasteur pressé de gagner son salaire,
D'un pas accéléré l'on me portait en terre.
Toi, nos parents et moi, nous suivions mon cercueil,
Moi, te dis-je, Babet, pâle, en habit de deuil,
Au ciel pour feu Lubin adressant ma requête,
Et présent, mort et vif, à cette triste fête.
Déjà du cimetière on atteignait le seuil :
A l'aspect de ces lieux que tout mortel redoute,
Je jette un cri d'effroi... Mais, ô Babet ! écoute,
Et juge, si tu peux , de mon étonnement.
Le croiras-tu ? près de moi, sur la route,
Tout le monde avait l'air content.
Pas un seul mot à ma louange,
Pas un regret, pas un gémissement,
Et je pleurais tout seul à mon enterrement.
- Ce contraste, mon petit ange,
Dit la fine Babet, n'a rien de bien étrange.
Chacun jugeait apparemment
Qu'en homme qui toujours s'aima d'amour extrême
Tu ne t'oublirais pas en ce fatal moment
Et te regretterais suffisamment toi-même.

Livre III, fable 17




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