La Fontaine et le Ruisseau Édouard Parthon de Von (1788 - 1877)

Au centre du parc d'un château,
Cité pour sa magnificence,
Une riche fontaine, en un bassin immense,
Versait, avec orgueil, le cristal de son eau.
Non loin de là, dans un bois sombre,
Entouré de mystère et d'ombre,
Serpentait un humble ruisseau.
Il épanchait une onde pure,
Sous l'herbe, à travers les cailloux,
Et ne se révélait que par son doux murmure.
La fontaine lui dit : « Comment donc osez-vous
Paraître dans ces lieux, qu'embellit ma présence ?
Mon cher, vous n'êtes pas de votre honneur jaloux.
Tandis que dans les airs en gerbe je m'élance,
Vous rampez dans la fange. - Ayez moins d'arrogance,
Repartit le ruisseau. Je coule en liberté,
Au travers de l'herbe fleurie ;
Heureuse et modeste est ma vie,
Tout cet éclat me cause, en vérité,
Bien plus de pitié que d'envie ;
Votre onde ne le doit qu'à sa captivité. »

Messieurs les gens de cour, je vous tiens ce langage.
Quand on a vu de près votre noble esclavage,
On trouve son éclat assez cher acheté.
Une aisance modeste, et d'estime entourée,
Indépendante enfin, car c'est là le grand point,
A mes yeux vaut cent fois votre chaîne dorée.
Ce costume brillant, qui ne me séduit point,
N'est, après tout, qu'une riche livrée.

Livre V, fable 7




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