La Société philanthropique Édouard Parthon de Von (1788 - 1877)

Des animaux divers, vivant en république
Dans une des forêts du pays germanique,
Votèrent l'établissement
D'une société dite Philanthropique,
Nous empruntant ce mot apparemment.
Avec certaine pompe en eut lieu l'ouverture.
Nos gens, à cette occasion,
Firent, jusqu'à profusion,
Des discours de toute nature ;
Ne perdant pas, pour mieux nous ressembler,
Un prétexte heureux de parler.
Chacun voulut montrer son éloquence :
Le loup prêcha l'humanité ;
Le canard, la sobriété ;
Unjeune étourneau, la prudence ;
Un vieux renard, la probité ;
Le moineau franc, la chasteté ;
Et la grive, la tempérance.


Vous admirez ces contradictions ;
Chez eux, comme chez nous, c'est l'ordinaire usage,
Jamais on ne voit le langage
Être d'accord avec les actions.
Ainsi ce père, en sa vieillesse,
Veut qu'à vingt ans son fils vive comme un Caton ;
Lui-même a chevaux et maîtresse,
Et pense aux élégants donner encor le ton.
A sa fille Doris parle vertu, sagesse,
Et madame, avec ses amants,
Ne garde aucuns ménagements.
Harpagon m'entretient de sa magnificence.
Mon médecin est buveur et gourmand,
Et me condamne à l'abstinence.
Cet usurier est philanthrope ; enfin,
Ce juge contre un adultère
Vient de rendre un arrêt sévère ;
Tandis que, sur un papier fin,
Notre magistrat le libelle,
Il en déchire une partie, afin
D'écrire un poulet à sa belle,
Femme du greffier son voisin.
Bref, pour peindre, en deux mots, l'humaine inconséquence,
Et finir par une sentence :
Du soir jusqu'au matin, du matin jusqu'au soir,
Nous disons blanc, nous faisons noir.

Livre III, fable 3




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