Le Furet, le Renard et l'Oiseau Édouard Parthon de Von (1788 - 1877)

Le médecin Tant-mieux et le docteur Tant- pis
Jadis se querellaient au chevet des malades ;
Mais, aujourd'hui, bons camarades,
Ils sont tous deux du même avis.
En consultation, si chez vous ils se rendent,
Ne redoutez entre eux ni haine, ni courroux ;
Non, non, pour se moquer de vous,
Le mieux du monde, à présent, ils s'entendent.
Pour un gros rhume, un vieil oison manda
Le Furet, docteur broussaisiste ;
Et le mal si fort empira,
Grâce aux remèdes qu'il donna,
Que le docteur Renard, savant anatomiste,
En consultation fut aussi demandé ;
Deux médecins ! l'oison est bien recommandé !
Or, après mainte révérence,
Le pouls tâté, l'on entre en conférence :
« Sans chercher quelle cause ainsi put l'enrhumer,
Je suis, dit le Renard, ‹ d'avis de le plumer.
Eh quoi ! pour un rhume ?» -« Oui ; de l'homéopathie
Je suis grand partisan, malgré quelques abus :
Similia similibus.
- Pour cette nouveauté j'ai peu de sympathie,
Dit le Furet, saigner est bien plus de mon goût ;
Mais je veux vous complaire en tout,
Et votre avis, docteur, sera le nôtre. »
- Non, mon cher, décidez, c'est moi qui suis du vôtre.
A propos, je vous vis hier à l'Opéra ;
Comme la sylphide dansa !
Et que sa mise était soignée !
Ainsi, vous êtes donc, mon cher, pour la saignée ?
Margot chanta son air dans la perfection,
Reprend l'autre. « Tout rhume est inflammation ;
Vous savez de Broussais que je suis la méthode.
J'ai vu votre équipage, il est fort à la mode ;
Et vos coursiers....
— Pardon, forcé de m'éloigner,
Résumons-nous : il faut le plumer, le saigner.
Ici nous nous verrons demain à la même heure. »
Et chaque médecin regagne sa demeure.

D'un pareil traitement quel est le résultat,
Dites-vous ? de l'oison qu'est devenu l'état ?
S'il est vivant, ou mort, mes amis, je vous jure
Qu'on ne me l'a point dit ; mais, s'il guérit enfin,
Il doit payer le médecin....
Et remercier la nature.

Livre V, fable 9




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